Le patrimoine culturel immatériel sous les feux de la rampe : découvrez sept trésors traditionnels du Luxembourg

Situé en plein coeur de l'Europe, le Luxembourg peut se prévaloir d'un riche patrimoine culturel immatériel. Que ce soit l'art impressionnant de la construction en pierre sèche ou le rôle intemporel de la sage-femme dans la société, les danses folkloriques traditionnelles ou la technique agropastorale du Fléizen, ces trésors culturels témoignent d'une histoire qui perdure depuis de nombreuses générations. Un coup d'oeil sur ces traditions vivantes nous dévoile un panorama fascinant de la diversité culturelle du Luxembourg.

Pierre par pierre: la technique de la construction en pierre sèche

La construction en pierre sèche est une technique de construction durable, qui utilise le poids propre des pierres et une disposition astucieuse pour créer une structure stable. Cette technique se passe entièrement de matériaux liants tels que le mortier.

Des structures en pierre sèche se trouvent en de nombreux endroits au Grand-Duché, en parfaite harmonie avec les particularités locales, notamment: sous forme de murs de vigne le long de la Moselle, de sentiers pédestres au Mullerthal, de renforts de pentes dans l'Oesling ou de systèmes d'assèchement ou d'irrigation dans les vallées. Les connaissances requises en la matière ont été transmises oralement au fil des siècles.

Dans le passé, les pierres étaient mises à nu par le travail du sol, triées et empilées en vue de leur réutilisation. Certaines techniques de construction en pierre sèche se sont ainsi perfectionnées tout au long des siècles. Toutefois, la construction en pierre sèche est quelque peu tombée aux oubliettes en raison du développement de techniques modernes et de l'apparition de nouveaux matériaux de construction.

Depuis 2016, des ateliers sont proposés dans le cadre du projet européen Interreg, afin de faire revivre cet art traditionnel au Luxembourg et de le transmettre aux générations futures.

Projet Pellembierg à Ahn : Entretien de murs de pierres sèches historiques dans les vignobles en terrasses.
© MDDI (Ministère du Développement durable et des Infrastructures)

L'art avéré du métier de sage-femme

La sage-femme, jouissant d'une formation en médecine et en anatomie, assiste les femmes lors de l'accouchement. Son métier consiste en une prise en charge globale des parents avant, durant et après la grossesse. Pour ce faire, elle se fie pour l'essentiel à ses sens naturels. Ces facultés étaient traditionnellement transmises oralement.

La création à Luxembourg de la première école d'État pour sages-femmes remonte à 1877, suivie en 1919 de la mise en place de l'Association Luxembourgeoise des Sages-Femmes (ALSF). Cette association regroupe des sages-femmes du Luxembourg issues de divers contextes culturels.

L'encadrement par une sage-femme comprend des contrôles réguliers, des soins prodigués aux futures mamans, ainsi que des cours de préparation à l'accouchement. Qui plus est, les sages-femmes encouragent les futures mamans à prendre conscience de leur propre corps. Cet aspect est décisif pour renforcer leur confiance en elles-mêmes et assurer la santé de leurs enfants.

Le savoir-faire des sages-femmes est apprécié tant de l'État que des médecins et de la société. En 2023, l'art des sages-femmes a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Les sages-femmes accompagnent les parents dans une nouvelle étape de leur vie.
© Jessica Theis

Fléizen (abissage): une agriculture éprouvée au Luxembourg

La technique agropastorale du Fléizen est pratiquée depuis le 15e siècle par les agriculteurs luxembourgeois. Ils utilisent des rigoles (fossés) pour l'irrigation de prairies, en déviant l'eau de ruisseaux, de fleuves ou d'étangs artificiels. Cette procédure se répète trois fois par an: à la fin de l'hiver, après la récolte et en automne.

Effets positifs: meilleur rendement de foin, davantage de biodiversité et amélioration des moyens de protection contre les inondations. Bien que des technologies modernes soient venues se substituer à cette pratique culturelle, le paysage luxembourgeois, et notamment celui de l'Oesling, reste empreint par ces fossés.

Au 19e siècle, le Fléizen a contribué à assurer la production fourragère pour le bétail, cette technique allant même jusqu'à être normalisée par la loi. Toutefois, à partir des années 1940, ces fossés constituaient un obstacle pour les machines agricoles de plus en plus lourdes, tandis que l'engrais chimique s'avérait bien plus efficace.

De nos jours, les fossés et le Fléizen sont un bien culturel et font partie, depuis 2021, de l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel. En 2023, le Fléizen est officiellement devenu partie intégrante du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Fléizen : Aménagement d'un fossé pour l'irrigation.
© Caroline Martin

Les moutons, protecteurs de la nature: la Wanderschéiferei au Luxembourg

Par Wanderschéiferei, on entend au Luxembourg le pacage de prés grâce à la transhumance de troupeaux de moutons. Cette pratique est courante dans les zones rurales du nord ainsi que dans les zones urbaines du sud. 

Les moutons sont conduits par un berger et son chien d'un pré à l'autre; c'est le berger qui coordonne les déplacements.  L'objectif: la préparation des surfaces à l'exploitation, mais également la stimulation et la préservation de la biodiversité. Ces déplacements de troupeaux débutent en règle générale vers la mi-avril et se prolongent en fonction de la quantité de fourrage disponible jusqu'à l'automne, voire l'hiver.

En dépit de l'établissement de plans de pâturage, ce sont en fin de compte les moutons et la nature qui dictent le rythme. Par ailleurs, les moutons transportent des insectes et des graines d'une prairie à l'autre, contribuant ainsi à la diversité naturelle. De cette manière, la Wanderschéiferei entend contrecarrer les effets d'isolement de notre paysage compartimenté.

Une fois cette partie de la mission de protection de la nature achevée, les moutons se consacrent à l'entretien de surfaces conventionnelles afin de préparer celles-ci à l'hiver. La Wanderschéiferei est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2023.

Wanderschéiferei: Mouvement saisonnier des troupeaux (transhumance).
© Guy Krier

Le patrimoine culturel immatériel au Luxembourg

Les coutumes, traditions ou autres pratiques font partie du patrimoine culturel immatériel que les habitants du Luxembourg vivent au quotidien.  C'est la raison pour laquelle on le qualifie aussi de patrimoine vivant, alors qu'il est transmis de génération en génération et enrichi et recréé en permanence par de nouvelles influences.

Le ministère de la Culture luxembourgeois inscrit le patrimoine culturel immatériel national dans un inventaire. Cet inventaire permet de préserver notre diversité culturelle  et notre identité, qui peuvent être vécues concrètement dans le cadre de manifestations de plus grande envergure et de festivités.

Patrimoine mondial de l'Unesco

© ORT MPSL

 Deux de nos biens culturels nationaux ont déjà été reconnus par  l'Unesco  en tant que  patrimoine mondial: 

  • En 2010, la  Sprangpressessioun, la procession dansante à Echternach, qui attire chaque année des milliers de pèlerins, a été inscrite à la liste du patrimoine mondial immatériel de l'Unesco.
  • En 2020, s'y sont ajoutés les Haupeschbléiser (sonneurs de trompe) luxembourgeois, qui se dédient à l'art musical de la trompe de chasse, vieux de 300 ans.

Les traditions de la danse: la diversité des danses folkloriques luxembourgeoises

Alors qu'elles étaient pratiquement tombées dans l'oubli, les danses folkloriques luxembourgeoises ont refait surface aujourd'hui et sont fermement ancrées dans la culture. Il existe environ 30 danses traditionnelles différentes, toutes pratiquées en couple. En voici quelques exemples: Chiberli, Pik Polka ou Schottesch Näip.

Ces danses sont présentées par des groupes de danse nationaux à l'occasion de fêtes populaires ou de manifestations représentatives du pays. À ces occasions, les danseurs portent des costumes folkloriques authentiques et dansent au rythme de chants populaires représentés en direct. L'objectif en est de faire découvrir les traditions de manière vivante et de préserver et de transmettre le patrimoine culturel.

Dans les années 1930, un mouvement d'auberges de jeunesse a pris conscience de la disparition de ces traditions. Ils ont jeté les bases de leur préservation en effectuant des recherches poussées et en questionnant des témoins de l'époque.  C'est ainsi qu'ont été créées les premières associations folkloriques après la Seconde Guerre mondiale, qui se dédient jusqu'à ce jour au maintien de ces traditions. 

Danse folklorique pour la célébration de l'Eemaischen.
© SIP / Marcel Schmitz

La fête de la Sainte-Barbe

Sainte-Barbe, la patronne des mineurs, est fêtée chaque année le 4 décembre, en particulier  dans le sud du pays.  Un cortège à travers le village, des coups de pétard et un banquet marquent traditionnellement cette fête.

Par ailleurs, le 4 décembre est le jour de commémoration des 1.500 mineurs qui ont péri dans les mines de fer. C'est au travail laborieux et extrêmement dangereux des mineurs de l'époque que le Luxembourg doit aujourd'hui sa richesse.

Cette coutume existe au moins depuis 1890 et constituait même dans les années 1920 et 1930 un jour férié rémunéré pour les mineurs. La dernière mine, celle du Thillenberg, a été fermée il y a plus de 40 ans, mais la tradition survit. Malgré le fait que la pandémie soit venue poser un frein à cette fête annuelle, les festivités ont repris dans leur ancienne splendeur dans tout le sud du pays.

Statue de Sainte Barbe, patronne des mineurs.
© SIP

Les noms de maisons et lieux-dits du Luxembourg: une fenêtre ouverte sur l'histoire

Les noms de maisons et lieux-dits au Luxembourg représentent un patrimoine culturel vivant avec un niveau linguistique plus ancien que celui de nos premières traces écrites. Cette pratique de désignation d'endroits et de bâtiments est censée servir de système d'orientation dans l'espace public. Elle a été transmise oralement au fil des générations et est accessible à tout un chacun. Elle permet non seulement l'entente quant aux différents lieux, mais leur confère également une identité tout en renforçant la cohésion sociale.

A titre d'exemple, il existe à Bech-Kleinmacher une maison dite "A Possen", qui abrite un musée et un bar à vin.  Certains lieux-dits possèdent des racines historiques datant de l'époque romaine, tels que "Um Kiem", une voie romaine au Kirchberg. D'autres à nouveau sont de nature plus lugubre, comme les lieux d'exécution "Galgenbierger". Un point commun à tous est qu'ils parviennent à nous donner un bon aperçu de l'histoire du pays et de sa société.

De nos jours, ces noms de maisons et lieux-dits entrent dans la désignation de nouvelles infrastructures telles que rues, quartiers urbains ou arrêts. Leur analyse permet même d'identifier des sites archéologiques et biotopes potentiels.

Le musée du folklore et la taverne à vin "A Possen" à Bech-Kleinmacher. Le nom est dérivé des anciens occupants de la maison, la famille Post.
© ORT Moselle / Jan Schwarz